Girard et le politique, Paul DUMONCHEL

Girard et le politique, 

un article de Paul DUMONCHEL,

dans la revue Cités,

vol. 53, no. 1, 2013, pp. 17-32.

 

Paul Dumonchel propose un article qui analyse la théorie girardienne en lien avec le politique.

 

L’article commence ainsi : « Il n’y a pas si longtemps, Jacques Sémelin pouvait encore écrire de Girard que « s’il paraît convaincant quand il fait l’analyse de la psychologie des héros de Shakespeare ou Dostoïevski, il reste allusif ou muet sur les conflits contemporains ». Un tel jugement n’est plus possible aujourd’hui après la parution de Achever Clausewitz. On peut certes être en désaccord avec ce que dit Girard au sujet des guerres européennes depuis le xixe siècle, ou des conflits contemporains, mais on ne peut guère lui reprocher de s’en désintéresser ou d’éviter les questions que la violence politique moderne pose à la théorie mimétique. »

On y lit plus loin : « La charité et le pardon au contraire délient les agents, ils les libèrent. La nouvelle autorité morale dont ils constituent une expression ne fonde pas l’État moderne, mais le rend possible de deux manières étroitement liées. Premièrement, ces pratiques réduisent les chances de succès du mécanisme victimaire. Non pas que les phénomènes de déplacement de la violence et de boucs-émissaire cessent, simplement ils réussissent de moins en moins à donner lieu à une unanimité durable et sans faille parce que la charité et le pardon facilitent la reconnaissance de la victime du mécanisme pour ce qu’elle est, une victime. Deuxièmement, ils rendent possible l’État moderne parce qu’ils affaiblissent progressivement les liens traditionnels de solidarité. Cet effet est souvent indirect au sens où le refus de respecter ses obligations traditionnelles de solidarité n’est pas toujours directement motivé par les idéaux du pardon et de la charité. Il vient aussi du fait que la nouvelle autorité morale donne aux agents une excuse qui leur permet de refuser d’honorer des obligations qui sont souvent coûteuses ou dangereuses. Pour le dire autrement, les agents exploitent à leur propre avantage le potentiel libérateur de cette nouvelle autorité morale. »

Il se termine ainsi : « Cette lecture de la mise en place de l’État moderne à travers le prisme de la théorie mimétique conduit-elle aux mêmes conclusions que Girard quant à la capacité des institutions modernes à nous protéger de la violence ? Selon Le Bouc-émissaire et La Violence et le sacré, les victimes de sacrifices rituels sont choisies comme victimes du fait qu’elles appartiennent à des catégories sacrifiables, c’est-à-dire qu’elles sont choisies comme victimes et sont de ‘bonnes’ victimes parce que leur mise à mort ne relancera pas les conflits à l’intérieur du groupe. Cependant, les catégories comme telles ne sont jamais les cibles de la violence du sacrifice censée protéger ces sociétés contre la violence, seuls des individus le sont. Au contraire dans la violence politique les victimes sont toujours visées en tant que membres d’une catégorie sociale ou d’un groupe particulier. On peut voir là une expression de ce que la communauté échoue à se réconcilier contre une unique victime. La violence politique dès lors échappe à ce qu’on peut nommer le principe d’économie sacrificielle : « qu’un seul meure afin que la communauté entière soit sauvée », aussi tend-elle à multiplier le nombre des victimes. »

L’article de Paul Dumonchel complet : ici